Jeremiah
Au début de la saga, il est en pleine adolescence. Jeremiah a dû perdre ses parents car il vit sous l’aile de la tante Martha et de l’oncle Lukas dont on ne sait qu’une chose : ils ne s’apprécient guère. Ayant grandi dans un environnement traditionnel, il est au départ pétri de bons principes, et même d’une naïveté désarmante. Jeremiah est un candide qui croit que le monde est à son image, guidé par une justice immanente. Mais au contact de Kurdy, et surtout du monde extérieur, il est forcé de revoir son jugement. Son cœur pur et idéaliste se remplit alors d’une amertume certaine et d’un relatif cynisme.
L’évolution mentale de Jeremiah s’accompagne au fil du temps et des albums d’une méta-morphose physique spectaculaire : l’ado ingénu du début se transforme en adulte affirmé. A tel point que lui qui se croyait incapable de commettre le moindre méfait, en arrive à tuer de ses propres mains (voir Présentation).
Désabusé par le constat qu’il fait de l’humanité, il cultive tant bien que mal son sens de la justice. Car Jeremiah demeure un héros positif qui s’accommode mal de l’injustice dont souffrent les victimes qu’il croise sur sa route, broyées par la loi du plus fort. Cependant, il réussit, au contact de Kurdy et de ses contemporains, à remodeler ses concepts moraux rigides inculqués par tante Martha selon les contours du monde réel. Non pas pour s’y perdre mais pour y survivre.
Le duo qu’il forme avec Kurdy est en quelque sorte la rencontre du bien et du mal qui vont marcher côte à côte, pour de nobles ou de moins nobles causes. Malgré les avatars de la vie et leurs différences, ils ne peuvent se résoudre à se séparer, un peu comme le Ying ne peut exister sans le Yang. Les deux amis sont des bourlingueurs qui semblent ne trouver leur équilibre que dans l’incertitude et l’inconfort de l’errance, parce qu’ils savent que la vie rangée n’est pas faite pour eux.
Kurdy Malloy
Kurdy est un personnage cynique, violent mais également charismatique et truculent, qui a grandi dans un milieu sevré d’affection. Il parle de son enfance dans Les eaux de colère sans qu’on sache très bien s’il faut accorder du crédit à ses propos.
Il ne fait toutefois pas de doute que son éducation se résume à peu de choses. Dans les premiers albums, Jeremiah le surprend à écorcher les mots et le corrige : Kurdy n’a de l’existence qu’une connaissance empirique. Enfin, il faut noter l’ironie d’Hermann qui lui fait porter un pendentif au cou frappé de l’inscription « Mother », lui qui n’a sans doute jamais connu sa mère.
Dénué de sens moral, il se sent comme un poisson dans l’eau dans ce monde putrescent. Comme un rat au milieu des détritus. Lorsque ça sent le roussi pour lui, il n’a aucun scrupule à laisser Jeremiah se débrouiller tout seul (Boomrang).
Kurdy reste un personnage qui n’est pas clair, malgré la complicité qu’il partage avec Jeremiah. Il est certain que jamais il ne deviendra un brave type. Hermann nous dit clairement que s’il pouvait gagner des millions de dollars en tuant Jeremiah, il le ferait, dût-il le regretter amèrement par la suite… Il n’a aucune conscience de sa propre dimension humaine. Il est le pendant sombre de Jeremiah. L’humanité de ce dernier lui est totalement étrangère. Au mieux, il en rigole. Au pire, il la considère, quand elle les met en danger, comme une forme de bêtise. Et on se prend à croire que ce sont l’adversité et les conditions de survie plus que l’amitié pure qui ont fait qu’ils se sont constitués en binôme. A l’image de George et Lennie dans Des Souris et des Hommes.
Stonebridge
C’est l’un des rares personnages que l’on rencontre dans plus de deux albums. Il est de la même veine que Kurdy, ils se connaissent d’ailleurs de longue date, et n’hésite pas à le livrer comme cobaye au savant démoniaque d’Un cobaye pour l’éternité. Employé à la solde de différents tyrans, charlatans et autres malfaiteurs, il est de tous les coups fourrés pourvu qu’il y ait de l’argent facile à la clé. Mais si Kurdy est agile, vif et malin comme un singe, Stonebridge est aussi malavisé que malhonnête et ses projets fumants finissent immanquablement par se retourner contre lui.
Si Kurdy ne peut être décemment considéré comme un « winner », Stone B. est un « loser » pathologique qui, quoi qu’il entreprenne, a l’art de se fourrer dans des situations qui tôt ou tard le couvrent de ridicule. Il apporte ainsi une touche humoristique à la série. Malgré lui, cela va sans dire.
Martha
La tante de Jeremiah est la seule famille qui lui reste après le massacre de Bends Hatch, son village d’origine. Présentée avec beaucoup de tendresse au début de la série (l’épisode émouvant des retrouvailles dans Les yeux de fer rouge), elle va rapidement devenir une figure assez détestable dont le caractère revêche et les sentences marquées du sceau du puritanisme le plus primaire agacent son entourage. A tel point que Jeremiah lui-même, pourtant son « poussin » qu’elle chérit par-dessus tout, se voit contraint de la remettre à sa place de façon cavalière. Hermann se sert de ce personnage pour régler ses comptes avec sa mère dont la bigoterie l’agaçait au plus haut point.
En particulier, ses relations avec Kurdy, qu’elle voit comme la pire des fréquentations de Jeremiah, sont orageuses. Dans Trois motos… ou quatre, elle ne se gêne pas pour livrer Kurdy à l’ennemi, afin de l’éliminer de la vie de « son » Jeremiah. Mais comme celui-ci s’en sort, elle lui montre hypocritement sa joie.
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Lena
C’est une fille de riche qui a vécu une vie d’enfant gâtée, insouciante. Mais à la mort de son père, elle est abandonnée et plonge dans la dure réalité de la vie réelle. Elle sortira de sa dépression grâce à Jeremiah. Elle rêve le temps de quelques albums de le convaincre de l’épouser et fonder un foyer. Un rêve de femme. Jeremiah sera sur le point d’accéder à sa demande, par amour pour elle, afin de mettre fin à sa vie d’errance, mais il ne le fera pas. Parce que « ça n’aurait pas tenu… Il aurait fallu poser son sac, construire un nid avec un tas de trucs dedans… ! Pour y pondre des œufs. »
Elle éprouve une haine tenace à l’égard de Kurdy. Il faut dire que c’est lui qui l’a enlevée à son père, contre rançon, précipitant la chute du clan Toshida et la petite Lena dans la dure réalité de la vie. Mais aussi parce qu’elle estime que c’est lui aussi qui empêche Jeremiah de mettre fin à sa vie d’aventurier. Entre l’amour et l’amitié, deux miroirs aux alouettes semble nous dire Hermann, Jeremiah finira par choisir son camp. Par la suite, elle aura un enfant, on ne sait de qui, et se fera hôtesse dans une maison close (Zone frontière).
Esra
La mule, compagne fétiche de Kurdy, est en quelque sorte la mascotte du duo. C’est sans doute, plus encore que Jeremiah, le seul être vivant auquel tient Kurdy. Ce qui ne l’empêchera pas de la délaisser pour une moto à partir de Cousin Lindford. Pour une raison pratique : la moto est plus rapide et permet donc à nos deux héros de se retrouver plus vite à un endroit donné. Ce qui facilite les choses aussi sur le plan scénaristique. Mais qui ne plait pas à la mule qui le fait bien sentir à Kurdy. A sa façon. Car, après tout, elle a aussi son caractère !
D’autres personnages, comme Julius, le frère de Stonebridge, et Romea, sa compagne (Julius et Romea), apparaissent dans un deuxième album (Mercenaires) tandis que Pee-Lou Loubiovtchichenko, l’artificier haut en couleur de La secte n’est qu’évoqué dans Strike.
Varia
Si Hermann aime à saupoudrer d’humour son constat amer sur l’humanité, il s’amuse également à parsemer de clins d’œil et de références ses récits. Inemokh, divinité invoquée par le gourou de La Secte, fait irrémédiablement penser à Khomeini et l’étrange créature des Yeux de fer rouge prénommée Idiamh, renvoie à l’ancien dictateur ougandais. Mais parfois, c’est à ses pairs qu’il fait allusion. Ainsi, dans Delta, un personnage qui se fait appeler Luke le veinard rappelle furieusement un cow-boy qui tire plus vite que son ombre.
Dans Afromerica, Hermann n’hésite pas à se dessiner dans le rôle d’un homme traqué par les guépards de Mungalia, le leader des radicaux qui refuse l’idée d’un rapprochement avec les Blancs. C’est la seule fois qu’Hermann se donne un rôle un tant soit peu significatif dans un de ces récits. Rôle cependant de courte durée car il se fait aussitôt dévorer par les fauves !
Clins d’œil
Un personnage sans nom et sans aucune raison d’être apparente sur le plan narratif est présent dans plusieurs albums : il s’agit d’un homme qui surgit en des lieux et à des moments totalement saugrenus et demande à Jeremiah s’il ne connait personne pour réparer sa pendule à coucou. Ce personnage a été inspiré par le beau-frère d’Hermann, Bob, à qui il avait confié à plusieurs reprises sa pendule pour qu’il la répare. Mais comme il lui fallait chaque fois plusieurs mois avant de la réparer et qu’elle retombait toujours en panne à peine raccrochée au mur, la situation fit l’objet d’un « running gag » familial… avant d’en devenir un dans les pages de Jeremiah.
L’homme à la pendule